« Innover sur le fond comme sur la forme » - Talents à l'Ouest

« Innover sur le fond comme sur la forme »
Estelle Guille des Buttes Fresneau - Conservatrice en chef des musées de CCA
« Innover sur le fond comme sur la forme »

La jeune conservatrice en chef du musée de Pont-Aven au parcours déjà bien rempli (voir son portrait), s’apprête à inaugurer la prochaine exposition « Le Talisman, une prophétie de la couleur » montée avec le musée d’Orsay. A cette occasion, elle nous livre sa vision du métier de conservateur qu’elle exerce avec passion mais aussi créativité, audace et sens du collectif.

Quelle est la place de l’innovation dans votre métier ?

Elle est majeure ! L’innovation dans mon métier, c’est ce qui m’intéresse le plus. On définit souvent le conservateur de musée comme un garant du bien commun, ce qui est vrai mais peut aussi induire une conception passéiste de notre fonction alors qu’il faut sans cesse conquérir de nouveaux publics, rencontrer de nouveaux partenaires, s’interroger sur de nouvelles idées et se remettre en question.

Comment s’est-elle traduite depuis votre arrivée en 2006 au musée de Pont-Aven ?

L’innovation s’est d’abord concrétisée dans notre manière de mener le projet de refondation du musée. Il a notamment fallu y intégrer les commerçants de cette petite commune pendant les trois ans de travaux. Pour ce faire, nous avons développé de nombreuses actions Hors les Murs qui invitaient artistes, conservateurs, médiateurs culturels… à intervenir sous forme de « café culture ».

Nous avons aussi monté une exposition itinérante pour expliquer notre projet. Elle a tourné dans les neuf communes de la communauté de Concarneau Cornouaille Agglomération mais aussi les « lieux empêchés » comme les hôpitaux ou les maisons d‘arrêt.

Avez-vous poursuivi ce type d’initiative après l’ouverture de ce Nouveau musée en 2016 ?

Absolument, nous continuons nos actions Dans et Hors Nos Murs tout au long de l’année. Récemment, nous avons par exemple proposé une séance de yoga au musée afin de pouvoir admirer les œuvres dans une position méditative. Les puristes pourront être choqués mais certains pratiquants entreront sûrement pour la première fois au musée de Pont-Aven… et même au musée tout court ! Il faut oser s’affranchir des conventions pour attirer de nouveaux publics.

Les visites commentées, ça ne suffit plus à attirer les foules ?

Non, c’est un minimum aujourd’hui. Nous devons être innovant sur le fond comme sur la forme, en ayant si possible une longueur d’avance, alors qu’on a tôt fait d’être happé par l’administratif. A chaque exposition, on doit se poser la question : « Que proposer de plus ? Que faire pour capter l’attention du public ? ».

Pour l’exposition Cobra, nous avons imaginé un dispositif ludique à destination du jeune public (6 -14 ans) avec un livret et des énigmes à résoudre tout au long du parcours.

Comment nourrissez-vous cette créativité ?

On organise régulièrement des séances de brainstorming en interne et on se nourrit également de ce qui fonctionne ailleurs.

Il y a quelques années, j’ai expérimenté un concept à Angers que j’ai depuis reproduit à Concarneau et Pont-Aven. Il s’agit de proposer une visite avec le conservateur du musée et de poursuivre ce moment par un déjeuner convivial dans un restaurant de la ville. C’est une belle façon d’animer la vie commerçante mais aussi de prolonger la visite en parlant de l’expo différemment.

Comment organisez-vous ce travail de « veille » ?

Nous suivons plus particulièrement l’actualité de certains musées réputés pour leur sens de l’innovation et de l’audace, à l’image du musée des Beaux-Arts de Montréal. Cette veille s’effectue également de manière plus informelle en fonction des sorties et des voyages de chaque membre de l’équipe.

Pouvez-vous nous dire quelques mots à propos du partenariat noué entre le musée de Pont-Aven et CIC Ouest ?

Nous sommes très fiers de cet accompagnement de CIC Ouest pour 5 ans reconductible. Si nous n’avions pas ce mécénat, nous n’aurions pas cette qualité d’exposition temporaire ni les moyens de maintenir une politique d’acquisition pour la collection permanente. Cela nous permet aussi de réaliser une communication à la hauteur, avec des voyages de presse qui font connaître le musée au-delà de sa région.

Cette convention a été signée en septembre 2015, avant la réouverture du musée. J’ai présenté le projet de refondation à Laurent Métral, Directeur Général de CIC Ouest, qui m’a tout de suite accordé sa confiance. Nous avons finalement accueilli beaucoup plus de monde que prévu et c’est un juste retour des choses pour un partenaire aussi impliqué.

Créez-vous des connexions entre mécènes ?

Absolument, il faut créer des passerelles et décloisonner les relations pour élargir le cercle. En octobre dernier, nous avons ainsi organisé une soirée des mécènes au musée de Pont-Aven. Par ailleurs, CIC Ouest a organisé des temps forts au musée et invité des chefs d’entreprises à l’occasion de plusieurs soirées au cours de l’année.

Plus d’infos sur le musée de Pont-Aven : www.museepontaven.fr